Sélectionner une page

Partir à l’aventure sans préparation

Une microaventure dans le Grand Canyon

Il y a 2 ans, j’ai eu l’opportunité de réaliser un de mes rêves: Faire un trek dans le Grand Canyon et plonger mes mains dans le Colorado.

Pour ce qui ne connaissent pas ce canyon, il est situé dans le sud-ouest des Etats-Unis, en Arizona. Comme son nom le suggère, il est grand, je dirai même gigantesque. Pour vous donner une idée, il fait 450 km de long, 1600 m de profondeur avec une largeur entre 5,5 km et 30 km. Le climat y est particulièrement aride. Le Colorado est la rivière qui coule au fond de ce canyon. Pour en savoir plus, tu peux te rendre ici

C’était une microaventure de dernière minute et sans préparation. S’aventurer dans le Grand Canyon est tout sauf une balade du dimanche. Mais avec un minimum d’organisation, un bon état d’esprit, et la connaissance de ses limites, tu peux toujours faire face à l’imprévu et saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent.

Pourquoi j’en avais besoin?

A cette époque là, nous vivions toujours à Brea, à côté de Los Angeles. Nos vies étaient bien remplies. Nos enfants avaient 3 et 1 an, et ma femme et moi travaillions. Les grand-parents étant en France et les breaks se faisaient rares. Bref, c’était intense et j’avais grand besoin d’une microaventure de taille pour prendre un bol d’air pur et recharger mes batteries.

L’organisation de la microaventure

Bloquer la date

Si tu te souviens bien, le plus important dans l’organisation d’une microaventure est de bloquer une date! Tu peux retrouver mes 7 conseils pour organiser une microaventure ici! Ma diplomatie légendaire et la gentillesse sans limite de ma femme me permettent de sécuriser 4 jours au mois de mai. Désormais, je vivrai à crédit et je sais que tôt ou tard, ce sera mon tour de passer un week-end mémorable avec mes enfants.

Définir un objectif

Sur la carte, le Grand Canyon n’est pas loin et le mois de mai est le moment idéal pour l’explorer avant les chaleurs étouffantes de l’été. Mon objectif est de descendre dans le Grand Canyon à pied et de bivouaquer sur les berges du Colorado. Vu les distances, j’estime la durée du trek à 3 jours. En étudiant le parcours, je m’aperçois que la rive Sud du Grand Canyon est en fait à 770 km de notre maison. 

Etudier le parcours

Ouch! C’est proche sur la carte mais loin en réalité. La distance a été un peu sous-estimée. Je téléphone à quelques copains pour partager cette aventure et le volant mais les 2 semaines de congés payés annuels des américains ont raison d’eux. Je partirai donc seul. Compte tenu des trajets, je décide de couper l’aller en deux en passant une nuit dans les Kelso Dunes situées à mi-chemin entre Los Angeles et Las Vegas. Cela me permettra d’atteindre l’office du tourisme du Grand Canyon suffisamment tôt le lendemain pour finaliser l’organisation du trek.

Choisir son équipement

Je jette un petit coup d’oeil à la météo pour adapter mon équipement et là… prévision d’averses de pluie et de neige sur le Grand Canyon!  Je prends alors mon duvet d’été et celui d’hiver. Pour le reste, j’opte pour le combo gagnant valable par tous les temps: une chemise manches longues de randonnée convertible en manches courtes (Pratique!), un t-shirt, un pantalon qui fait aussi short (Pratique!), une polaire, une veste imperméable, un sur-pantalon étanche, mes chaussures de randonnée, mes bâtons de marche, une tente, une trousse de secours et mon appareil photo.

Je charge la voiture la veille pour assurer un départ fluide le lendemain matin. Et comme je pars en solo, j’informe ma femme sur mon itinéraire. Si ça tourne mal, c’est toujours plus pratique pour retrouver mon cadavre.. enfin pour me porter secours.

Comment j’ai finalisé l’organisation d’une microaventure alors que j’étais déjà parti! 

Comme d’habitude, je dépose les enfants à l’école, un gros câlin à chacun puis c’est parti pour l’aventure! 3h de route me séparent des Kelso Dunes. Je fais une petite pause chez Peggy Sue’s Diner pour m’enfiler un bon burger et un gros milkshake, rien de mieux pour avoir la peau du ventre bien tendue et finir la route…

C’est le milieu d’après-midi et j’arrive enfin à destination. Cela me laisse plein de temps pour monter la tente et surtout rejoindre le sommet de la plus haute dune qui me fait de l’oeil. Le sommet est proche mais la progression est bien lente lorsqu’on s’enfonce dans le sable. Il me faut bien une heure pour faire 1 km et atteindre le sommet.

Perché à 200m au dessus du désert, le vent balaie le sable par dessus le sommet, le soleil couchant perce les nuages et les illumine. La vue est grandiose, le moment magique.  Ce petit instant de communion avec la nature a déjà bien rechargé mes batteries! Je retrouve la tente à la tombée de la nuit. Une bière, des pâtes et je me glisse tranquillement au chaud dans mon duvet pour une nuit au calme. Mon rituel du coucher est quand même bien plus simple que celui de mes enfants!

Au petit matin,

Je ne traîne pas. Je me chauffe un café alors que je plie ma tente. En 20 min, je suis au volant à déguster mon café près à m’enfiler les 5h de route restantes. Les objectifs de la journée ne sont pas des moindres: trouver une randonnée et dégoter un permis de dernière minute pour dormir dans le Grand Canyon.

C’est le début d’après-midi et je pré-sens que je n’aurai pas de place de camping dans le parc national. Donc, sur les 20 derniers kilomètres, à chaque fois que je passe devant un endroit propice pour y passer la nuit, je fais un point GPS sur mon téléphone. J’en saisis 3 ou 4, cela fera l’affaire. Ca y’est, j’arrive enfin sur la rive Sud du Grand Canyon.  Pas le temps d’aller voir la vue, je fonce vers le bureau qui délivre les permis pour bivouaquer. Il y a une personne devant moi ce qui me laisse le temps de lire les posters sur les morts récentes dans le canyon: une marathonienne retrouvée morte à flanc de falaise en cherchant de l’eau, la super statistique qui dit que plus de 60% des morts sont des hommes… Sympa l’ambiance! Ca y’est, c’est à mon tour.

La discussion avec un ranger qui me fait flipper

Paul: Bonjour Madame, je voudrais passer la nuit au bord du Colorado ce soir et demain soir.
Ranger: Bonjour, il est trop tard pour s’aventurer dans le canyon et de toute façon, nous n’avons plus de permis pour ce soir.
Paul: Vous reste-t-il des permis pour demain soir?
Ranger: Il me reste un permis pour Hermit rapid. (C’est le nom que porte le lieu de bivouac qui se trouve sur un banc de sable au bord du Colorado. Il se trouve à la fin du chemin portant le nom de Hermit trail)
Paul: Je le prends!

Ranger: Descendre dans le Grand Canyon n’est pas donné à tout le monde. S’y aventurer tout seul n’est pas recommandé surtout si vous ne connaissez pas le chemin. Hermit trail ne possède qu’une seule source d’eau sur les 15 km vous séparant du Colorado. Des personnes expérimentées meurent régulièrement dans le canyon par déshydratation, perte d’orientation, ou fatigue. Avez-vous lu les posters?
Paul: Gloups… Oui…
Ranger: Avez-vous un téléphone satellite? un filtre à eau? un sac en maille métallique pour protéger la nourriture des animaux? Une carte? de l’expérience de marche en zone désertique?

Allez, on se re-saisie!

Paul: Gloups… Oui, pour l’expérience en zone désertique. Vous m’avez dit que tous les permis ont été vendus, je ne serais donc pas seul sur la zone de bivouac ni sur le chemin. Combien cela fera de personnes dans la zone?
Ranger: Vous pouvez vous attendre à 5-6 personnes sur votre zone de bivouac, une petite vingtaine 2 km plus haut.
Paul: Parfait. Je me passerai du téléphone satellite. Où est-ce que je peux acheter un filtre à eau, le sac en maille, et la carte?
Ranger: Au magasin principal. Merci de me remplir le permis. Soyez prudent. Quand vous sortirez du canyon, repassez bien ici pour faire le pointage. Nous devons savoir que vous êtes sain et sauf.

 

Le ton est donné. Ici, on ne blague pas. Un faux pas, une succession de mauvaises décisions et c’est une mort lente et solitaire qui m’attend.

Ce qu’il faut retenir

L’important dans ce type de conversation est de récupérer un maximum d’informations pour bien analyser la situation. Il est aussi essentiel de connaître ses limites. Par le passé, J’ai déjà réalisé de nombreuses randonnées de plusieurs jours, en autonomie, en milieu aride, avec des distances journalières supérieures ou des dénivelés plus élevés. La difficulté, ici, est le cumul de ces difficultés. La sécurité doit toujours être ta priorité. Il faut savoir rester humble et savoir dire non si nécessaire, ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises.

Pendant la conversation, je me projette dans des situations difficiles. Dans tous les cas, je sais qu’il faut toujours rester sur le chemin et ne le quitter sous aucun prétexte. La situation la plus probable est une entorse mais compte tenu de la fréquentation, quelqu’un finirait par me porter secours. Pour pallier au manque d’eau, je prendrai 4 litres d’eau et j’achèterai un filtre pour remplir mes bouteilles à chaque opportunité. j’envoie un message à ma femme avec les renseignements sur la randonnée et l’heure probable de sortie du canyon. C’est ce qui garantit le déploiement d’un sauvetage rapidement si besoin.

La fin de la journée

Je file au campement du parc national pour réserver une place. C’est complet! C’est pas grave, j’ai mon plan B avec mes points GPS. Je vais au magasin faire mes emplettes. Toutes les cartes ont été vendues! Il est hors de question pour moi de descendre sans carte. Je tchatche le vendeur qui me fait une photocopie d’un livre ayant une carte.

Je file au campement du parc national pour réserver une place. C’est complet! C’est pas grave, j’ai mon plan B avec mes points GPS. Je vais au magasin faire mes emplettes. Toutes les cartes ont été vendues! Il est hors de question pour moi de descendre sans carte. Je tchatche le vendeur qui me fait une photocopie d’un livre ayant une carte.

Il ne reste plus qu’à trouver un coin pour camper. La nuit tombe rapidement, le ciel se couvre, grosse averse de pluie puis neige… Je trouve enfin un coin pour passer la nuit dans la Kaibab National Forest.

Je décide de dormir dans ma voiture pour garder ma tente au sec pour le lendemain. Le ciel finit par s’éclaircir, les étoiles illuminent le ciel, le feu de camp crépite et me réchauffe. Demain, la vraie aventure commence!