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5 leçons d’une aventure dans le Grand Canyon

Ce post est la suite du précédent article intitulé Partir à l’aventure sans préparation.

C’est déjà l’aventure mais la vraie, elle, commence aujourd’hui!

Il est 6h du matin et les premières lueurs du jour me réveillent. La météo semble très favorable, temps clair et frais idéal pour une randonnée dans un milieu aride. Il est temps de rejoindre le départ de la randonnée et d’organiser mon sac. La nuit de la veille fût bien fraîche. A tel point, que j’ai dû enfiler mon duvet d’hiver par dessus mon duvet d’été. Je décide, donc, de prendre mes deux duvets. En plus de ma poche à eau de 2L, je prends une gourde de 1.5L et un Thermos de 1L s’il fait froid. Cela devrait me faire assez d’eau et me permettrait de pallier à toute éventualité. J’attache ma tente et mon matelas au sac à dos. Je charge les habits et la nourriture… Mon sac à dos de 65 L (Similaire à celui-ci) est plein à craquer. Charge supplémentaire, je porterai mon appareil photo réflex en bandoulière ce qui me rajoute bien 2kg. Je soulève mon sac, son poids est à peine croyable. Je décide de laisser la paire de chaussette supplémentaire, le bonnet, la housse de l’étui de lunette de soleil, les clés de la maison… bref des bricoles.

La descente dans le Grand Canyon

L’heure passe et la matinée est déjà bien entamée, il faut partir. Je fais tout juste 2 km et, l’air se réchauffant rapidement dans le canyon, je transpire à grosses gouttes.  J’ai l’impression d’être une mule qui porte un âne mort. Je ne peux pas continuer ainsi. Ma vitesse de croisière est lente et la remontée sera terrible. Je prends la dure décision de me séparer de mon gros duvet d’hiver et de mon Thermos. Clairement, je me demande si je ne suis pas en train de prendre la première mauvaise décision qui me mènera à une grosse galère. Je chasse mes pensées négatives. J’ai un filtre à eau et s’il fait trop froid, je plierai bagage au milieu de la nuit. Le sac ainsi allégé de 4-5 kg est un pur bonheur. Je file le long des immenses falaises rouges, oranges, ocres. L’immensité du canyon se fait bien plus forte en plongeant à l’intérieur. Le Colorado qui paraît si proche est en fait à un jour de marche. Les distances sont insaisissables. Des chemins se croisent sans être balisés. Avoir une carte et savoir la lire sont essentiels pour ne pas s’égarer. D’ailleurs, je rebrousse chemin à plusieurs reprises pour m’assurer de la direction tout en observant ma semelle droite se détacher progressivement de ma chaussure. Ça se dégrade vite. Hmmm ça va se compliquer alors qu’il me reste encore plus de la moitié du trajet. Je suis déjà bien avancé, autant poursuivre la descente et limiter la casse avec une réparation de fortune. C’est la première fois que je ne prends pas mon gros scotch, il aurait pourtant été bien utile. Je rafistole ma chaussure avec un lacet tel un rôti de boeuf et une âme charitable me fait dont de son scotch. J’espère que poursuivre est la bonne décision.

Sur les berges du Colorado

6h plus tard, j’arrive enfin sur la plage de Hermit’s rapid. Ca y’est, je suis au fond du Grand Canyon. Je pose mon sac, marche vers le Colorado et plonge mes mains dans cette rivière mythique. Le Colorado est l’artère de la vie dans ce désert. Les berges sont boisées, les oiseaux chantent, il y fait frais. Je regarde les derniers raft franchir l’impressionnant rapide et me laisser rêver qu’un jour ça sera mon tour. Le soleil se couche, les falaises s’enflamment jusqu’au sommet du canyon, puis ce sont les nuages qui s’embrasent d’un rouge flamboyant. Je suis dans l’émerveillement total.

Je me sens tout petit et insignifiant face à cette nature toute puissante. Et en même temps, je ressens une puissance intérieure en pensant que je peux m’aventurer seul dans ce lieu hors du commun alors que la civilisation est à une journée de marche et 1600m plus haut. Je redoute la montée du lendemain avec ma chaussure qui se dégrade.

L’éprouvante remontée

Après une bonne nuit de sommeil, je me réveille tranquillement avec le soleil. J’observe les rayons du soleil descendre dans le canyon et attends dans l’espoir de voir les premiers rafts de la journée. Au bout d’une heure, je décide d’attaquer la remontée car je sais que je vais rencontrer des difficultés avec mes chaussures. Très rapidement, ma réparation ne tient plus. C’est au tour de l’autre semelle de rendre l’âme. Il me reste encore 8h de marche et je m’arrête toutes les 30min pendant 30min pour prendre soin de mes chaussures. Cette difficulté me demande beaucoup d’attention et du coup, je profite beaucoup moins du lieu. Mon objectif est de sortir du canyon avant la tombée de la nuit. Je prends la décision de retirer ma semelle droite pour privilégier un rythme de marche soutenu. Tant pis si je dois finir en chaussettes. Ma première chaussure se désintègre à vue d’oeil avec l’apparition d’un trou. J’adapte ma démarche pour la préserver. Je demande du scotch à un autre randonneur qui me dit que ça va aller, jusqu’à ce que je sorte ma semelle de mon sac à dos. Je la rafistole tant bien que mal mais pas le choix, il faut avancer. L’état de mes chaussures semble se maintenir. Je m’accorde une grosse pause à la source puis une autre pour récupérer les affaires laissées la veille. Je colle un randonneur qui me force à garder un bon rythme jusqu’à ce que je m’aperçois qu’il a quitté le chemin sans même sans rendre compte. Je le siffle et lui indique le chemin. Il me serre la main pour me remercier et je lis la peur sur son visage. Un simple moment d’inattention peut coûter cher. Qui sait ce qui aurait pu se passer. J’attaque les lacets de la dernière falaise. La fin est proche et cela me donne de l’énergie.

Le bilan de cette aventure

J’atteins, enfin, le parking à 15h, épuisé mais rassuré. Cette aventure a été intense physiquement et mentalement. Mais c’est sûr, mes batteries sont rechargées à bloc. Le Grand Canyon est un lieu extraordinaire. Le lieu est grandiose depuis le bord des falaises sur le plateau mais descendre à l’intérieur donne une toute autre perspective. Je le recommande vivement mais il ne faut pas le prendre à la légère. Le Grand Canyon m’a laissé m’aventurer dans son antre mais s’est assuré de me donner une bonne leçon. Ce que j’en retiens:

1. Vérifier son équipement avant de partir à l’aventure. J’aurais pu déceler des signes avant-coureurs de fatigue sur mes chaussures avant le départ. Une simple inspection de 2 min m’aurait évité bien des soucis!

2. Partir aussi léger que possible. Nous ne sommes pas des mules. Clairement, un deuxième duvet était inutile. Un check météo pour vérifier les températures au fond du canyon m’aurait évité cette charge inutile.

3. Partir tôt. Il n’est jamais assez tôt et il est trop souvent trop tard. Que ce soit au départ de la randonnée ou le lendemain matin, je suis parti sur le tard. Partir tôt permet de faire face à des imprévus!

4. Avoir du matériel de réparation ou des équipements clés en double. Clairement, le scotch (Pas celui du bureau!) peut s’avérer très utile. La première et la dernière fois que je l’oublie! J’ai aussi croisé beaucoup de randonneurs avec des sandales en extra. Idéales en fin de journée, elles peuvent servir de roue de secours si besoin. 

5. Ne jamais oublier que c’est la Nature qui commande. L’aventurier se contente d’évaluer les situations auxquelles il fait face pour en sortir sain et sauf.

Et sinon toi, c’était quoi ta plus grosse galère?